13 Nov Le non-OGM, quel avenir en production laitière ?
La dernière réunion FEEDSIM du 19/10 a eu pour thème les démarches non-OGM dans la filière laitière en présence de Philippe Favre (Coopérative Unéal), Cécile LE DOARE (CNIEL), Benoît ROUYER (CNIEL) et Patrick WECXSTEEN (SODIAAL).
Lors de l’AG de Nutrinoë du 4 juillet 2018, P. HEBEL (CREDOC) indiquait que les facteurs de rassurance évoluaient avec le temps. En 2000, les perceptions d’un aliment de qualité étaient un aliment goûteux et bon. Cette perception évolue petit à petit entre 2000 et 2018 pour laisser place à la notion de bio, de local, de naturel et « sans ». La tendance Non-OGM rentre dans cette démarche de « sans ».
(Plus d’info sur : Bien être, bio, nutritif et sans : les produits alimentaires de demain)
Remarque : les traces d’OGM dans le lait ne sont pas détectables par analyse. Le seul point d’entrée possible des OGM est par l’alimentation des Vaches Laitières, c’est pourquoi il ne faut pas parler de « lait non OGM » mais de « lait issu d’animaux nourris sans OGM (<0.9%) ».
Un mouvement de plus en plus présent en Europe, qui s’articule autour de l’Allemagne
Les démarches « non OGM » en Europe ont émergées en Autriche (fin années 90 début 2000) et depuis 2010, 100% du lait livré par les éleveurs autrichiens aux entreprises autrichiennes est issu de vaches alimentées sans OGM. Suite à la forte pression des ONG, une association VLOG est fondée en en Allemagne avec un cahier des charges pour la production de « sans OGM » qui connait un fort développement depuis 2016 (la production est passée de 3% de la production laitière totale du pays en 2011 à 52% mi-2018). La démarche gagne les fournisseurs étrangers du marché Allemand, tels que le Danemark, le Pays-Bas et la Pologne.
(plus d’info sur Panorama des démarches de différenciation non OGM en Europe – Benoît ROUYER, CNIEL )
En France, il est difficile de donner un chiffre pour la production de lait d’animaux nourris sans OGM, mais elle serait inférieure à 2 ou 3 %. Cependant, le développement sera certainement important pour les mois et années à venir.
Un consensus autour d’une prime des 10 €/1000 L
Cette valorisation est essentiellement dictée par les marchés allemands et le prix du lait non OGM est très corrélé au prix du conventionnel
D’après P. WECSTEEN, le SANS OGM peut être vu de deux manières, soit de façon défensive, pour préserver les parts de marché ou soit offensive avec une plus-value tarifaire. Par exemple, le marché allemand réclame du « non-OGM » (<0,9%). Les entreprises commerçant des fromages n’ont d’autre choix que de s’adapter et ne font que compenser le surcoût. Cela les obligent également à utiliser le référentiel Allemand (VLOG).
L’absence d’une réglementation commune dans l’Union Européenne, distorsions de concurrence entre états ?
La réglementation européenne oblige un étiquetage des OGM (FEED et FOOD) mais laisse la possibilité aux Etats Membre de définir les modalités d’un étiquetage volontaire des produits animaux via les réglementations nationales.
Il existe des écarts à l’échelle de l’Union Européenne concernant la réglementation pour la production non-OGM. Par exemple, entre la France (réglementation) et l’Allemagne (cahier des charges VLOG) il y a des différences contraignantes de part et d’autre. En France, il y a une interdiction de coexistence d’ateliers d’une même espèce avec une alimentation différenciée OGM – Non OGM (or près de la moitié des exploitations Française sont non spécialisées). Cette contrainte n’est pas présente dans le cahier des charges VLOG. Autre point pénalisant le secteur Français, le délai de conversion est de 6 mois en France versus 3 mois pour l’Allemagne. A l’inverse, les laitiers Allemands ont des procédures de « gestion du risque » élevées mais également des conditions de traçabilité exigeantes.
Le CNIEL souhaite mettre en œuvre un lobbying pour une harmonisation de la réglementation à l’échelle Européenne.
Un cahier des charges en cours de construction en France
A la demande de la profession, le CNIEL a entrepris (avec les autres acteurs de la filière) la création d’un plan filière ou cahier des charges de lait issu d’animaux nourris sans OGM. La proposition du cahier des charges sera soumise au conseil d’administration du CNIEL en Février 2019. Les prérequis, émis par SODIAAL pour ce cahier des charges sont d’avoir un niveau de garantie élevé, basé sur la réglementation Française et avec une reconnaissance V-LOG afin de pouvoir continuer à alimenter le marché Allemand.
(Plus d’info sur Projet de mise en place d’une démarche « sans OGM » dans la filière laitière Française – Cécile LE DOARE, CNIEL et Création d’une démarche « non-OGM » en production laitière, de nouvelles exigences pour les acteurs – Patrick WECXSTEEN, Directeur Bassin Laitier Ouest SODIAAL)
Demain, quelle(s) solution(s) pour remplacer les matières premières OGM ?
Les matières premières (M.P) pouvant contenir des OGM sont les tourteaux de soja et les tourteaux de colza (surtout en cas de mauvaises récoles en France et U.E). Un basculement intégral de la filière Laitière Française non OGM, pourrait entraîner un accroissement de 800 000 à 900 000 T de la demande en soja non OGM. De plus, d’après Terres Univia, en 2015/2016, la France est en déficit pour les M.P riches en protéines de 46 %.
Plusieurs pistes sont évoquées par le CNIEL pour substituer le tourteau de soja OGM. Notamment via le développement de l’autonomie protéique des exploitations (via le développement de la productivité des surfaces en herbe, de la qualité des fourrages). La dépendance protéique peut être diminuée pour une majorité d’élevages mais reste inévitable à schéma de production constant. Les achats en M.P riches en protéines extérieurs restent alors incontournables sans modification majeure des systèmes de production. Leur substitution en non OGM présentent des surcoûts variables selon les exploitations. A cela s’ajoute une compétition croissante des filières avicoles et porcines pour préempter ces mêmes M.P riches en protéines non OGM
Quel surcoût pour la production non-OGM ?
Selon le CNIEL, les cours des matières premières riches en protéines non OGM présentent toutes les caractéristiques d’un marché structurellement haussier et volatile. Or la valorisation est essentiellement dictée par les marchés allemands et ne semble pas intégrer à ce stade de clauses relatives à l’évolution des cours européens de ces M.P.
Selon P. FAVRE, d’UNEAL les surcoûts sont autours de
– Aliments sans Soja : 0 à 0.08 €/VL soit 0 à 3 €/1000 L
– Aliments avec Soja Non OGM : +0.3 €/VL/J soit 10 €/1000 L
Une étude FEEDSIM est en cours de publication répondant à la question : Quels sont les impacts d’une alimentation 100 % Non-OGM sur le coût de production des produits animaux dans le Grand-Ouest (Bretagne, Pays-de-la-Loire et Basse-Normandie) ?
En additionnant les surcoûts matières des formules d’aliments et les surcoûts industriels induit par le passage au non-OGM, nous obtenons une évolution du prix de production des produits animaux (porc, poulet, pondeuse et vaches laitières) lié à leur alimentation.
Basé sur l’année 2017 et une prime du soja non-OGM de 80 €/T (6 valeurs de prime ont été étudié, 30-60-80-100-120 et 140), nous obtenons en moyenne, pour le PORC un surcoût sur le TPF de +0.08€/kg. Ce surcoût atteint +0.038 €/12 œufs en pondeuse. Concernant le lait, le surcoût est estimé à 6.9 € / 1000 L. Ces chiffres sont des moyennes annuelles et les surcoûts peuvent fortement augmenter ou diminuer selon les prix et les disponibilités des matières premières.
Des premiers résultats ont été présentés lors de la réunion du 19/10 et l’ensemble du rapport sera disponible très prochainement.
(plus d’info sur Coûts réels des filières non-OGM en nutrition animale et leurs incidences sur les produits animaux)
Quel est rôle de l’entreprise de la nutrition animale ?
Pour une question de traçabilité, les aliments doivent être faciles à retrouver et les fournisseurs peuvent être contactés. P. WECSTEEN indique que les fabricants d’aliments ont un rôle à jouer, notamment dans la sensibilisation des éleveurs à bien archiver l’ensemble des documents pour permettre une traçabilité certaine. Mais la valeur ajoutée des FAB est dans leur capacité à s’adapter et développer de nouvelles formules en fonction des contraintes imposées. D’un point de vue nutritionnel (MAT, UFL…), le fabricant est capable de proposer des aliments, sans OGM, répondant parfaitement au besoin des animaux tout en limitant le surcoût. Les fabricants d’aliments ont la reconnaissance des laiteries sur leur crédibilité et leur professionnalisme.
(Plus d’info sur Quels rôles pour les fabricants d’aliments du bétail dans les démarches « non OGM » ? – Philippe Favre, Coopérative Unéal)